La polémique fait rage en ce moment en France, depuis que le dictionnaire Petit Robert a ajouté le pronom « iel » :
“Pronom personnel sujet de la troisième personne du singulier et du pluriel, employé pour évoquer une personne quel que soit son genre.”
Un pronom neutre, pour désigner et être utilisé par tou.te.s sans désigner le genre. Par exemple pour les personnes non-binaires.
C’est l’équivalent du “they” en anglais. On utilise ce pronom depuis des lustres en anglais pour parler de sujets pour lesquels le genre n’a pas d’importance, pour généraliser à toute la catégorie dont on parle (ex: les bébés, les seniors, les écrivain.e.s, etc), et ça n’émeut personne.
Qu’il y ait un débat, je le comprends. 1) Il s’agit d’une question de société, et 2) la langue fait partie du patrimoine national. Je suis contre la dégradation de la langue française. Mais je suis pour son évolution, car elle est vivante.
Ce que je ne comprends pas c’est la violence de la résistance et de certains propos. Pourquoi est-il difficile pour certains de comprendre, et admettre, que la vision genrée des choses est souvent inadéquate, voire stupide, et la vision binaire réductrice?
De comprendre et/ou accepter que certaines personnes ne se sentent pas binaires dans leur genre, et que ce n’est pas une lubie, une mode, un caprice, une phase, mais une identité?
De comprendre et/ou accepter que pour ces personnes différentes de la moyenne, il est primordial d’être reconnu.e comme tel.le, et officiellement inclus.e. Que l’absence de pronom neutre est comme s’iels n’existaient pas. Que cette expérience est violente au quotidien et amène au suicide.
En quoi l’existence et la reconnaissance des personnes non-binaires ou trans a un impact sur la vie de ces adversaires? Qu’est-ce que ça peut leur faire? Pourquoi tant de froideur, de manque d’empathie, voire de haine ?
L’argument principal est que genre = biologie. Et biologie = organes sexuels.
Donc ce qui se voit, en fait.
On s’en tient à ce qui se voit.
Alors que le genre est bien plus complexe. Il se situe également dans le cerveau, l’énergie vitale, la construction sociale.
Mais non. On s’en tient à ce qui se voit.
C’est comme la classification des humains en races basées sur la couleur de la peau.
Pourquoi ce choix ?
Parce que c’est ce qui se voit.
Personnellement je ne vois pas l’intérêt de classifier l’humanité, mais en admettant que ce soit utile et nécessaire, le bon critère est le neurotype. Ça c’est une vraie différence. La différence entre un.e autiste et un.e NT est une vraie différence, profonde, et surtout universelle. Alors que la couleur de la peau ne dit rien sur la personne, mais alors rien du tout. La culture, peut-être. Mais la culture est une programmation du cerveau, elle n’a rien de biologique. La véritable différence se situe au niveau de l’OS, pas des applications qui tournent avec cet OS.
Donc pourquoi ce choix pour les races ? Parce que c’est ce qui se voit.
Pareil pour le handicap.
80% des handicaps sont invisibles.
Mais non, on prend comme symbole un fauteuil roulant, on n’aménage les bâtiments etc que pour les handicaps physiques. On fait même une campagne nationale sur les handicaps invisibles en ne l’illustrant qu’avec des handicaps visibles. C’est nul.
Résultat : c’est la merde pour les personnes en situation de handicap invisible. Peu de reconnaissance dans la société civile, peu d’aide. Les gens complètement ignares sur le sujet, qui du coup t’insultent quand tu utilises ta carte de priorité dans la queue. Par exemple.
C’est la merde aussi pour l’harmonie entre les peuples, la couleur de la peau devenant un diviseur facile.
Et c’est la merde pour les non-binaires, qui doivent se construire sans être officiellement reconnu.e.s, et dans l’adversité.
Tout ça parce que l’écrasante majorité des humains ne cherche pas plus loin que ce qui est visible.
Note: Le mot “iel” n’est cependant à mon humble avis pas un bon choix. Il n’est pas neutre puisqu’il contient la référence aux 2 genres binaires. Cela procède donc d’une vision binaire, which defeats the purpose. L’identité de genre est un spectre, avec y compris l’absence de ressenti de genre, et des graduations. Donc un mot complètement neutre et différent, comme le “they” anglais, aurait été plus approprié. Mais c’est un autre débat.
Et surtout, comme pour l’autisme: c’est aux personnes qui vivent la condition de décider 🙂