Un dialogue surréaliste cette semaine sur ma page FB: une maman de fillette autiste, persuadée qu’on peut sortir de l’autisme.
Elle commence par « Autiste est une étiquette. Ils sont ultra-connectés et intelligents. Au-delà des troubles comportementaux. »
Mouais. Merci pour le compliment, mais Autiste n’est pas une étiquette. De même pour droitier/gaucher, hétéro/homo, blond/brun/roux, etc.
Elle insiste: « Je pense que si, ça l’est. Je le vois avec ma propre enfant et d’autres parents. Ce sont des êtres comme toi moi et bien d’autres. Ils sont des personnes. L’autisme est une étiquette associée à un ou des symptômes spécifiques . Une sorte de classification. »
Ce discours m’horrifie. Oui ce sont en effet des êtres comme moi puisque je suis autiste. Et en tant qu’autiste je supporte mal qu’on me dise que ce n’est juste qu’une étiquette…
1) Nous ne fonctionnons pas du tout comme les NT, si tu penses que si c’est que tu ne vois pas au-delà du camouflage ou/et que tu es en déni, et 2) Nous n’avons pas de symptômes mais des caractéristiques. Tu vois des signes, pas des symptômes. Utiliser ce vocabulaire est validiste et fait perdurer le paradigme de la maladie.
Autisme est en effet un mot, mais pas une étiquette. « Étiquette » c’est péjoratif. Ça insinue que ça ne reflète rien, que c’est juste un jugement. C’est vraiment offensant pour nous autistes qui faisons certes bonne figure mais qui souffrons tous les jours de notre différence dans un monde pas fait pour nous.
Elle insiste: « On peut sortir de l’autisme, en fonction des cas et du chemin de chacun. Mais tout est possible. Et concernant ma fille, c’est une étiquette et je la vois bien au-delà des limitations de la société. »

Alors on n’est pas d’accord sur le sens du mot étiquette 🙂 Et aussi, on ne peut pas sortir de l’autisme. On peut apprendre à vivre avec. Mais l’autisme n’est pas une coquille ou un carcan dont on peut s’extraire, l’autisme est notre câblage neuro-sensoriel intrinsèque. Comme la différence entre iOS et Windows. Un iPhone ne peut pas sortir d’ios, ce n’est pas un Android avec une couche d’Apple dessus 🙂.
Sa réponse: « Je te confirme qu’on peut en sortir. Après, chacun son avis. Belle journée. »
Et ça c’est vraiment violent. Ça c’est « Ta gueule, je sais mieux que toi ce qu’est l’autisme », et « Ce que tu dis n’est qu’un avis ».
Ben non, justement, ce n’est pas un avis. C’est du factuel et du vécu. Je suis autiste. De plus je suis impliquée dans le mouvement international pour la reconnaissance de la Neurodiversité, je suis en contact avec des autistes du monde entier depuis des années, et j’ai écris un livre sur le sujet.
J’aimerais vraiment comprendre son point de vue. Qu’entendent tous ces parents adeptes de « sortir de l’autisme » et « vaincre l’autisme » ? Je ne le saurai pas par cette dame, elle a arrêté de me répondre. Et ça m’attriste encore plus que ses opinions: la mise de côté, la non remise en question, l’indifférence aux explications des autistes eux-mêmes.
Qu’entend-elle par « sortir de l’autisme » ? L’autisme n’est pas une coquille dont on sort. On l’est ou on ne l’est pas, c’est un câblage interne. C’est comme si tu disais « on peut sortir de l’homosexualité. 1) C’est impossible, et 2) cela insinue que c’est une tare dont il faut se débarrasser. C’est offensant. C’est ce genre d’opinion qui a engendré le développement des thérapies de conversion et de l’ABA. Ces techniques sont des maltraitances.
Comme je n’arrête pas de le dire, on peut apprendre à vivre cette différence dans un monde qui n’est pas fait pour les autistes et dans une culture, société qui nous exclut. On peut vivre avec. Pas ne plus l’être. D’ailleurs, s’il existait une pilule pour ne plus être autiste, je ne la prendrai pas. Car de nombreux aspects de ce câblage sont jouissifs.
Je ne cherche pas la polémique, je veux juste sincèrement comprendre ce que ces gens ont dans la tête, et pourquoi le croient-ils ? Quelles sont leurs sources, qui sont leurs interlocuteurs ? Le monde médical et de la psychiatrie ne comprennent rien à l’autisme et véhiculent le paradigme éculé de la maladie et du drame. Avec combien d’autistes adultes parlent-ils ?
Vos enfants autistes sont bien-sûr bien plus que les clichés que la société renvoie. Ces clichés sont limitants et déformants. Je vous comprends sur ce plan. Mais sortir de l’autisme c’est un concept, et il est délétère pour les autistes.
Il est délétère pour vous aussi. Cessez de courir après cette chimère.
